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MONTROLLET La Roche Ornée du Pont de Laiguée

MONTROLLET

La Roche Ornée du Pont de Laiguée

Situation

La roche ornée du Pont de Laiguée est un mégalithe installé à l'est de la commune de Montrollet. L'étang qui renferme cette pierre engloutie se trouve au fond d'une cuvette naturelle qui a été transformée en réserve d'eau. Le site se trouve à faible distance de la rout D165 qui se raccorde à la D330, à l'altitude de 289m. On y accède par un chemin de terre qui mène à l'étang.

Ce monument qui a la particularité d'être immergé en totalité, demeure invisible au regard. La profondeur de cette retenue d'eau atteint environ 2,50m. Nous avons découvert cette pierre ornée de cupules et de croix au cours d'un curage du lit intervenu au cours de l'été 1993.

L'étude de ce monument fut réalisée par :

Bernard Fabre - Daniel Bernardin



MONTROLLET

La Roche Ornée du Pont de Laiguée

Historique du Site

 

Cette pierre mégalithique découverte en 1993, en parallèle de la fouille des menhirs de Beaubost, nous apporta de nouveaux enseignements sur l'étude que nous menons depuis plusieurs décennies sur les mégalithes de la Charente. 

Les travaux de M. Jean Abelanet, conservateur du musée de Toutavel, éclairent d’un jour nouveau son interprétation. L’inventaire des mégalithes de la Charente, que nous poursuivons encore à ce jour, nous a permis de mettre à jour de nouveaux dolmens et menhirs ainsi que des roches ornées portant cupules, croix et divers types de décors, identiques à la roche du Pont de Laiguée.

 

 Description du Monument

 

La roche ornée est un bloc granitique grossièrement cubique possédant 3 panneaux décorés de croix et de cupules.

 

Ce monolithe mesure environ 1,60m de haut. Sa base est à peu près de même longueur. Il comporte cinq types de décors :

 

-  Les croix et cruciformes simples

-  Les croix  cerclées

-  Les croix pattées ou potencées

-  Les croix et cruciformes à cupules

-  Les cupules

 

Le trait des gravures est de qualité inégale. Certains sont réalisés par percussions, d’autres selon le principe de la gravure. Il semblerait que pour une croix, le dessin du motif ait été obtenu par usure ou polissage de la roche selon un mouvement de va et vient de l’outil.

 

Etude des Décors

 

Panneau A

 

Il porte 12 décors. Il est orienté au sud. Il porte un riche décor qui semble se poursuivre sous la base du rocher qui repose dans la couche de vase de l’étang.

Il porte les décors suivants.

 

Côté Ouest : Deux cupules posées l’une au-dessus de l’autre et associées. Une croix surmontée de quatre cupules dont nous reparlerons et une croix enfermée dans un cercle. Au sommet, en bordure de ligne de fracture du panneau, se trouve une cupule isolée circulaire.

 

La croix cerclée a une forme grecque. Les extrémités ne touchent pas le cercle excepté le bras gauche qui semble n’être qu’un trait unique avec le cruciforme précédent cupulé. La tête de cette croix paraît pattée au sommet et le bras droit est cupulé à son extrémité. Le cercle s’interrompt en deux endroits. Il est amputé par le signe cruciforme cupulé à gauche et inexistant ou effacé.

 

Au centre, près de cette limite sont creusées deux cupules reliées par un sillon formant des haltères. Au-dessous est gravée une croix aux bras pattés. Un peu plus bas à gauche on aperçoit deux cupules associées mais séparées dont la plus haute s’inscrit en bordure du cercle de la première croix cerclée. Proche du sol est gravée une croix latine dont la hampe effleure le trait d’un arc de cercle qui semble se poursuivre sous la base de la roche ornée dans la vase de l’étang.          

 

Près de la fracture à l’Est, une croix latine potencée et cupulée à son sommet, a sa base potencée. Le trait de la hampe sous les bras de la croix est usé.

Au-dessous, une croix simple, latine, cupulée au sommet, touche le trait de la seconde croix cerclée.

 

La croix enfermée dans le cercle est pattée à son sommet. Elle ne touche pas le cercle. Les bras se terminent en cupules de chaque côté et sont inscrits sur le trait du cercle. La hampe est courte. Elle s’apparente à une croix grecque ou templière.

 

Panneau b

 

Il porte 7 décors orientés vers l’Est. Il est constitué par une arête délimitant une face parfaitement plane. Un long signe serpentiforme constitué par des cupules marque le changement de panneau.

Associées à celui-ci on découvre 6 croix ou cruciformes.

 

Le Signe Serpentiforme

 

Il comprend 12 cupules qui se dégroupent en deux parties séparées par une entaille oblique semble t’il naturelle, dans cet ordre là, 7 au-dessus de l’entaille, 6 en dessous.

 

Les 7 cupules supérieures sont d’inégales grosseurs. La dernière du groupe touche l’arête de l’entaille. Le tracé du groupe inférieur présente une variante dans l’alignement. 4 cupules sont creusées sur une ligne, une autre, isolée, est associée à la seconde du groupe. Elle est positionnée à gauche du tracé linéaire.

 

Les Croix et Cruciformes Simples

 

Ils sont au nombre de quatre. Ils sont en ordre désordonnés et leur tracé est anarchique. Ils ont tous la forme d’une croix latine. Trois bordent le signe serpentiforme et un autre est décalé vers le centre du panneau. Les sommets sont en position oblique ou renversé. Une croix proche de la base du rocher est incomplète. Le tracé de son dessin semble se poursuivre sous la roche ornée, dans la vase. Sa tête est peut être cupulée.

 

En prolongement de l’entaille oblique, une rainure fine peut être humaine se dirige vers le sommet et se termine par une petite croix latine à la tête et aux bras terminés par des cupulettes. Vers le centre du panneau, deux croix accrochées par les bras sont associées à des cupules. La plus grande, en forme de croix latine à ces extrémités et l’axe central, ornés d’une cupule. La hampe se termine par une cupulette. Le prolongement du bras droit de cette croix forme le bras gauche de la seconde croix plus petite.

 

La petite croix se rapproche du motif de la croix grecque dont chaque extrémité s’achève par une petite cupule.

 

Panneau C

 

Orienté au nord, il ne comporte qu’un unique décor. Il se compose d’une grande croix latine inscrite dans un cercle de 50 à 60cm de diamètre. La croix est large de 5cm et ses bras touchent le cercle. La hampe s’estompe vers le centre du rocher, près de la circonférence du cercle.

 

Les cercles qui renferment les croix du panneau A, possèdent un diamètre d’environ 25cm. La gravure des croix est soignée et profonde. Le trait des creusements se situe entre 5mm et 1cm et la largeur de celui-ci est d’environ 1,5cm. Les cupules sont circulaires et leur diamètre varie entre 2 et 4cm. Leur profondeur atteint 5mm.

 

Etude Morphologique

 

Les Cupules

 

Elles sont le motif le plus fréquemment représenté. Elles sont souvent groupées, associées à des cruciformes ou encore elles se rencontrent sous forme de figurations. Elles sont toutes circulaires ou légèrement ovalisées. Un faible nombre est constitué par des cupulettes. Une est isolée, deux autres sont groupées par deux.

 

La Cupules Haltère

 

Un seul exemplaire a été retrouvé sur le rocher. Une courte rigole relie deux cupules entre elles, donnant ce que l’on appelle une figuration « en haltère ».

 

Les Signes Schématiques

 

Les panneaux, A et B, sont les seuls concernés par ces représentations.

 

Panneau A

 

Ils se manifestent par l’association des signes cruciformes avec les cupules. Ils dessinent une croix cupulée enfermée dans un cercle et une croix latine surmontée de 4 cupules. Une croix au sommet potencé et cupulé a le pied qui s’achève sur un trait transversal court. Ces détails démontrent, semble t’il un caractère anthropomorphique du motif.

 

Panneau b

 

Le signe serpentiforme est constitué par un réseau de cupules circulaires creusées les unes sous les autres selon un tracé sinueux.

 

La petite croix positionnée près du sommet du rocher, a les extrémités des bras et de la tête qui s’achèvent par trois cupulettes.

 

Les deux autres croix du panneau, l’une latine et l’autre grecque ont l’extrémité des bras et de la tête cupulée. La base de la hampe se termine par une cupulette pour la croix latine et par une cupule plus grosse pour la croix grecque.Ces deux croix réunies par les bras ont leur centre creusé d’une cupule.

  

Inventaire Général des Motifs

 

Les Cupules

 

Cupules isolé : 1

Cupules groupées : 2 groupes de 2

Cupule « haltère » : 1 groupe de 2 relié par une courte rigole

Cupules serpentiformes : 11 cupules + 1 décalée

 

Les Cruciformes

 

Croix latine : 4

Croix potencée cupulée : 1

Croix cupulées : 4

Croix cerclée pattée et cupulée : 2

Cercle interrompu : 1

Croix pattée : 1

Croix latine cerclée : 1

Croix cupule interrompue : 1

 

Etudes Techniques

 

Quelques précisions sur cette roche s’imposent avant de préciser la nature des techniques utiliser pour le tracé des décors.

 

Premièrement, il semble que ce rocher granitique ait été façonné, après avoir été nous semble t’il, disposé intentionnellement pour que l’artiste puisse travailler aisément sur chaque face. Cette évidence nous apparaît à l’étude du monolithe dont le dessin de certains décors se poursuit sous la base posée dans la vase. Il est pratiquement certain que cette face cachée conserve des décors inédits.

 

Pour exécuter ces œuvres, l’artiste ou les artistes qui ont gravé ces pétroglyphes n’ont pu le faire que lorsque le plan de travail était plane. La précision des motifs et de leurs tracés, n’aurait pu être aussi précise sur un plan de travail vertical, ce qui implique que pour chaque face, il a fallu renverser le bloc à chaque fois.

 

Selon Jean Abelanet, nous ne trouvons jamais de cupules ni de rigoles sur les parois verticales ou des rochers à fortes obliquité, car celles-ci étaient destinées à recevoir des liquides. Seuls des signes cruciformes ou schématiques peuvent comme au Roc de la Pierre Bergère être exécutés sur de telles inclinaisons. De plus la nature granitique du rocher et le choix des motifs impliquaient que l’artiste puisse évoluer aisément. Ce que semble confirmer les propos de Jean Abelanet qui précise que les rochers grenues comme le granit ne se prête guère à l’exécution de cupules et encore moins à celle de cruciformes. Comme nous pouvons le constater, la roche ornée du Pont de Laiguée détient toutes les contraintes géologiques décrites par cet expert des roches gravées en France et au-delà.

 

     L’observation des cupules indique que celles-ci sont généralement bien arrondies en plan et en coupe. Les fonds présentent un polissage fin et régulièrement hémisphérique. Pour obtenir une telle qualité d’exécution Jean Abelanet précise que le seul procédé convenant est celui de la percussion à l’aide d’un percuteur globuleux.

 

     La réalisation des cruciformes est plus délicate car il a fallu utiliser un outil plus approprié comme le burin lithique. Seul un percuteur en quartz pouvant entraîner le granit était capable d’obtenir ces motifs plus élaborés. D'un point de vue géologique la région confolentaise est riche en quartz et en roche granitique. La matière première se trouvait donc sur place.

 

     La technique employée pour la réalisation de certains cruciformes paraît être celle du creusement par un frottement de va et vient. En effet les sillons d’au moins deux figures présentent une usure longitudinale laissant présumer la pratique d’un tel procédé.

 

Interprétation et datation

 

Les Cupules

 

     Il est difficile de donner une interprétation symbolique ou figurative aux cupules isolées inscrites sur cette roche.

     Le caractère serpentiforme du groupe de 11 cupules séparant les panneaux A et B, s’il ne fait aucun doute, ne permet pas d’échafauder une théorie sensée sur cette schématisation. Aucune rigole ne relie entre elles les cupules dans le but de permettre un écoulement vers les suivantes, comme c’est souvent le cas pour ce type de représentation. Il est probable qu’elles étaient destinées à recevoir des offrandes ou à servir de libations lors des cérémonies rituelles de commémorations. Les cupules « haltères » reliées par une courte rigole bien qu’elles montrent un groupement intentionnel, conservent un caractère inexplicable. Nous ne pouvons leur reconnaître qu’une fonction utilitaire à rapprocher du précédent paragraphe.

 

Les Cruciformes

 

     Les cupules à fonction figurative concernent deux représentations gravées sur le panneau A. Elles sont associées à deux signes cruciformes et leur donnent un caractère anthropomorphe.

 

     Le cruciforme surmonté de 4 cupules, dépasse le caractère utilitaire habituellement attribué à celles-ci. Elles pourraient indiquer une représentation humaine, une tête surmontant un corps dont les bras de la croix seraient les membres supérieurs.

 

     Le second symbole anthropomorphique est constitué par le cruciforme potencé, surmonté par une cupule matérialisant la tête d’une silhouette humaine.

 

     Ces deux figurations cruciformes évoquent-elles des esprits ou des divinités, nous ne pouvons le dire ? La seule conclusion que nous pouvons émettre est qu’elles possèdent un caractère et un symbolisme religieux nettement marqués, inexistants sur les autres représentations.

 

     Les recherches entreprises dans le cadre de notre inventaire des mégalithes de la Charente montrent que nos monuments n’ont pas échappé à cette forme d’art rupestre. Dolmens et menhirs charentais,  principalement en Charente Limousine et Nord-Charente portent les signes mystérieux laissés par les hommes de ces époques reculées.

 

     L’association cupules et cruciformes, identique à celle retrouvée dans d’autres régions de France, sur ou à proximité de sites mégalithiques, semblent correspondre à une forme d’art schématique propre à ces monuments et à leur diffusion sur cette partie de notre territoire. On peut donc supposer, que cette diffusion coïncide à une ou deux exceptions près, à celles des mégalithes du Nord Charente et de Charente Limousine, lieux où ont été recensés de nombreux monuments identiques.




Note : "

BIBLIOGRAPHIE

Bulletins et Mémoires de la Société Archéologique et Historique de la Charente

Monuments Mégalithiques de l'arrondissement de Confolens

M. Gustave Chauvet, Séance du 08 Mars 1899

Traditions Limousines

M. Jean-Louis Quériaud

Les Roches Gravées Nord Catalanes

Jean Abelanet

1990 - DREC

Roches Ornées - Roches Dressées

Association Archéologique des Pyrénées-Orientales

2005

Prospections Archéologiques

Daniel Bernardin - Bernard Fabre

1980 - 2005

DESSINS - PHOTOS

Daniel Bernardin

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